Chef opérateur, c’est quoi ?
Avec Jonas Gayraud, Chef opérateur.
Le chef opérateur ou directeur de la photographie est la personne responsable de l’image sur un tournage, plus généralement, sur tout ce qui apparaît à l’image. Il supervise le service image, éclairage et machinerie.
Jonas Gayraud, chef opérateur cinéma, clip et publicité nous parle de son métier.
Salut Jonas, peux-tu te présenter ?
Salut, je m’appelle Jonas Gayraud, j’ai 34 ans et je suis chef opérateur sur du court & long métrage, pub, clip…
J’ai fais un bac S à Bayonne puis j’ai intégré le BTS audiovisuel de Bayonne en option exploitation.
Suite à mon BTS, un ami de ma promo m’a parlé de l’école Louis Lumière et voulait tenter le concours. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre, que ça avait l'air d'être génial, de travailler dans le cinéma. J’ai intégré l’école en option cinéma à Paris.
Une fois diplômé, j’ai été assistant caméra, puis 2nd assistant et enfin, premier assistant caméra.
C’est une évolution assez pyramidale, il faut monter les échelons petit à petit. Aujourd’hui, je me situe entre premier assistant caméra et chef opérateur. Je travaille sur plusieurs longs métrages comme premier assistant caméra. À côté, j'essaie de faire des pubs, des projets un peu plus petits en chef OP pour faire la bascule et m'affirmer de plus en plus comme tel.
Comment devient-on chef opérateur ?
La voie la plus classique est de commencer au département caméra en tant que 3ème assistant et de gravir les échelons. Certaines personnes commencent tout de suite chef opérateur, mais c’est plus compliqué financièrement. Ils vont travailler plus longtemps sur des projets avec peu de budget. L'avantage de passer par l’assistanat est que tu as quand même des vrais salaires.
De plus, je trouve dommage d'être chef opérateur sans avoir travaillé en tant qu’assistant, de diriger des gens sans avoir vraiment fait leur boulot.
Il n’y a pas de vraies règles. Comme souvent, il suffit d'avoir un peu de chance, et de tomber sur le bon tournage, de rencontrer les bonnes personnes au bon moment.
A ton sens, quel est l’aspect le plus important dans ce métier ?
Je pense que gérer l'image est l’aspect le plus important. Dans ce métier, il y a beaucoup de choses à gérer, il faut arriver à garder du recul.
Sur toute la partie qui touche à l'image d'un film, il ne faut pas s'enfermer et rester à l'écoute de ce que veut le réalisateur. Il est normal d’avoir sa vision, ses envies mais il ne faut pas oublier qu’on ne travaille pas pour soi. On reste dans le cadre d'un film, dans lequel il y a un réalisateur et un client. Il faut savoir faire des concessions et rester dans la vision globale du film, pas seulement constituer une bonne image.
La meilleure qualité, est de savoir déléguer, savoir être clair dans ses choix pour expliquer à son équipe ce que l’on veut. C’est aussi important d’avoir des connaissances techniques, de savoir ce qu’il est possible de faire ou non.
Quelle est ta relation avec le réalisateur sur une production ?
Le rôle du chef opérateur est très important pour le réalisateur. Le réalisateur est quelqu’un qui est censé tout gérer. Cependant, il a tellement de choses à gérer, que c’est au chef opérateur de le soulager sur la partie technique.
Selon moi, une bonne relation avec un réalisateur passe par la prise d’initiative. Le but est qu’il ait seulement à dire oui ou non et que 90% du temps, il n’ait rien à dire. Donc, il faut vraiment prendre en charge la partie artistique. De cette façon, le réalisateur n’a plus qu’à peaufiner les plans qui lui plaisent.
Selon les binômes, il est possible que le découpage des plans soit fait par les 2 en même temps, ce qui est à mon sens, le plus agréable.
Parfois, le réalisateur peut dire précisément ce qu’il imagine sur une scène.
Le chef opérateur a une responsabilité sur le tournage mais également sur la partie préparation. Le directeur de la photographie se doit de faire une bonne préparation pour avoir des références communes avec le réalisateur en termes d’images. La meilleure chose qu’il puisse se passer, c’est que le réalisateur ne fasse pas de remarques.
Comment te prépares-tu avant un tournage ?
Une fois qu’on a échangé avec le réalisateur, qu’il a expliqué le projet et toutes ses modalités, la préparation peut commencer.
On commence par faire un mood board : on va chercher des références sur des sites internet dédiés. L'objectif est de s’assurer qu’on parle de la même chose, du même style de film, du même univers visuel.
Après ça, il faut faire un, ou des repérages, aller sur les décors qui peuvent être problématiques. Cette étape est cruciale pour anticiper les aléas. Ça se fait avant le découpage, car on est obligé de se rendre compte de la faisabilité des lieux de tournage (surtout en extérieur).
Après avoir identifié les lieux, on fait un découpage. Il est très important parce qu’il va servir à faire la liste matériel, à lister les différents axes, les plans séquences…
Après le découpage, vient le temps de faire sa « wishlist », sa liste matériel et sa liste équipe. On se fait aider par les assistants caméra pour faire la liste caméra, par le chef machino pour la liste machinerie et le chef électro pour la liste lumière. Mais en finalité, cela relève de la responsabilité du directeur de photographie.
Dans certains cas, il est possible de faire des plans de feu. Cela se réalise après le découpage. Ça peut aussi aider à prévoir la liste de matériel. Le plan de feu sert à anticiper l’éclairage dans un décor précis. C’est un gain de temps dans les séquences compliquées.
On peut faire des plans de feu pour chaque plan. Surtout si c’est un tournage avec un petit budget où il faut être très efficace.
Quels projets t’ont le plus marqué ?
Un de mes tout premiers tournages : j'ai travaillé sur un court métrage qui avait très bien marché, qui s'appelait « Tant qu'il nous reste des fusils à pompe », de Caroline Poggi et Jonathan Vinel. C’était un court métrage assez petit où j’étais chef électro et chef machino. C’était visuellement magnifique avec une esthétique atypique. Les réalisateurs avaient de très bonnes idées visuelles avec peu de matériel. Le film a eu un un ours d'or à Berlin, meilleur court-métrage.
A l'opposé, j'ai participé à un film qui s'appelle “Overdrive”, un style Fast and Furious qui se déroulait à Marseille. C'était un film de plusieurs millions de dollars de budget. De gros acteurs américains jouaient, comme Anna de Armas, Scott Eastwood. Je travaillais dans l'équipe cascade où on devait retourner des camions. Ce type de plan prenait plusieurs heures de préparation.
J’aime passer d'un film d'auteur français qu’on peut faire autour d'une table à film dans lequel des voitures explosent avec 12 caméras.
J’ai également travaillé sur la série “Le bureau des légendes”, c'était une bonne expérience car toute la série se passe en studio. Ils ont reconstruit entièrement un décors dans un des plus grands studios français : la cité du cinéma de Besson.
Je retiens aussi mon expérience avec Paul Verhoeven, un réalisateur connu qui a réalisé “Basic Instinct”, “Robocop'“, “Archi troopers”…
Quelles sont tes inspirations ?
Avec l’expérience, j’ai pris le réflexe de faire des captures d’écran sur mon ordinateur de tout ce qui m'intéresse visuellement. J'ai des petits dossiers sur mon ordinateur, où il y a des inspirations que je peux aller chercher. Cela me permet d’avoir des inspirations pour des choses très différentes.
C’est une bonne technique pour comprendre ce qu’il me plaît, car, c'est toujours compliqué. À force de faire cet exercice, on remarque des similitudes dans nos centres d'intérêts. Ainsi, on peut dégager ce à quoi on est sensible, à quel style on s’identifie, quelles lumières, quelles couleurs...
Instagram marche très bien aujourd’hui pour découvrir de nouvelles inspirations, de nouveaux chefs opérateurs, c’est aussi un très bon outil pour enregistrer des inspirations.
Dernièrement, tu as travaillé sur une pub pour la société Lynxter, peux-tu nous expliquer ton travail sur ce tournage ?
Sur ce tournage, j’ai eu un peu moins de travail que d’habitude. Julien, le réalisateur, avait déjà fait beaucoup de préparation lui-même. Il avait déjà trouvé des images de référence qui marchaient très bien. Un séquencier avait déjà été fait et il avait réalisé un découpage par séquence.
Il m'a laissé la main sur une partie de son travail, en me laissant faire des remarques sur le scénario, trouver des idées visuelles ou des idées de mise en scène. Ce n’était pas une préparation classique, mais c'était très agréable car j'aime bien intervenir sur le scénario et la réalisation.
Julien m'a envoyé une image de ref qui l'intéressait vraiment. La majeure partie du travail de préparation a été de décrypter son idée visuelle : reproduire cette image de référence, avec mes yeux de techniciens.
Il fallait décrypter l’image afin de savoir quel matériel utiliser, pour recréer la même ambiance. J’ai donc fait une liste matériel et on a fait un découpage.
As-tu des conseils/tips pour les personnes qui souhaitent devenir DOP ?
Je suis quelqu'un qui marche à l'expérience, donc, mon conseil le plus important serait de tourner le plus possible. Surtout lorsqu’on débute, il faut prendre tous les tournages qui nous sont proposés. On apprend jamais aussi efficacement que dans la pratique.
Donc, il faut faire des tournages qui n'ont pas l'air très amusants ou même des tournages bénévoles.
C'est un milieu qui ne marche, pratiquement, qu’avec le réseau.
C'est peut-être sur un tournage qui ne te plait pas que tu vas rencontrer quelqu’un qui va parler de toi à un réalisateur par exemple.
Donc, ce n’est jamais un tournage perdu, ça servira forcément.
Également, se montrer sur les réseaux est quelque chose qu’on ne doit plus négliger, surtout à notre époque. J'ai lancé une page Instagram pour montrer ce que je fais et référencer mon travail.
C’est toujours bien d’avoir une vitrine pour se vendre, que les gens puissent voir sur quoi on a travaillé.
Comment vois-tu l’évolution de ce métier dans l’avenir ?
Je ne sais pas s'il va y avoir des changements majeurs dans le futur. Le dernier gros changement majeur, était le passage au numérique entre 2005 et 2011.
Un peu plus récemment, l'arrivée des projecteurs LED a été un bouleversement dans les possibilités d'éclairage. Cette transition est encore en train de se faire aujourd’hui.
L’aspect pratique que cela a amené, est le contrôle des projecteurs à distance, avec un iPad. C'est un gros changement pour le métier de chef opérateur.
L’émergence de l'intelligence artificielle pourrait accélérer le processus de préparation, notamment quand on recherche une image de référence. Aujourd’hui, on peut créer sa propre image de référence de toutes pièces.
Je pense que le métier de chef opérateur est perrin. Il faudra toujours quelqu’un de sensible à l'image pour choisir un cadrage ou un certain type de cadrage et tout ce que ça implique.